De tous temps, les êtres humains ont émis le souhait de mesurer l’écoulement du temps. Dans cette quête inlassable, qui les a menés à concevoir les horloges et les montres modernes, le cadran solaire fut la toute première étape, s’appuyant sur le parcours de notre astre brillant dans le ciel pour déterminer le moment de la journée. En voici l’histoire.
Le premier instrument de mesure du temps
Peut-on seulement imaginer ce que fut l’invention du cadran solaire ? À l’aide d’une tige et d’une surface graduée, les Anciens avaient trouvé la méthode la plus exacte de leur temps pour connaître l’heure de la journée ; et ils en avaient eu l’idée en observant le parcours de l’astre solaire dans notre ciel. Certes, ce système ne pouvait fonctionner qu’en journée, ce qui limitait son usage. Mais le cadran solaire n’était suppléé que par deux mécanismes : la clepsydre et le sablier, qui eux ne savaient pas calculer les heures, mais « seulement » mesurer les durées.
Sans doute les Égyptiens avaient-ils déjà connaissance du cadran solaire, mais aucune description ne nous est parvenue. D’autres écrits mentionnent l’utilisation de cet instrument : la Bible fait référence au cadran solaire possédé par Achaz, roi de Juda, à Jérusalem (VIIIe siècle avant J.-C.), Pline l’Ancien évoque celui inventé par le Grec Anaximandre (VIe siècle avant J.-C.), et Hérodote atteste de l’usage du gnomon chez les Babyloniens (autour du Ve siècle avant J.-C.), un usage qui remonte sans doute à une invention bien plus ancienne, peut-être transmise aux Égyptiens en des temps très reculés (IIe millénaire avant J.-C.). Utilisant un gnomon pour établir la hauteur du soleil, le Grec Ératosthène s’en servit pour démontrer la rotondité de la Terre.
Mais, parmi les cadrans solaires primitifs, c’est celui créé par Bérose, en Grèce, que nous connaissons le mieux. Au IIIe siècle avant notre ère, le Chaldéen avait inventé un cadran vertical composé d’un hémisphère creux, tourné vers la terre, et doté, en plein centre de sa cavité, d’un bouton dont l’ombre, sous le soleil, marque les heures sur les parois de la demi-sphère. Ce type de cadran porte un nom : le scaphé (« barque »).
En Europe, les églises et les monastères s’approprient la mesure du temps. Le cadran canonial, qui voit le jour au VIIe siècle, est utilisé pour indiquer aux membres de la communauté religieuse le début des actes liturgiques ; le problème des heures nocturnes sera, lui, contourné à l’aide des horloges à feu. Quant à la précision (discutable) de ces cadrans solaires horizontaux, installés à la perpendiculaire des parois des églises, des abbayes et des monastères, elle importe peu. Non pas parce que l’approximation serait acceptable, mais parce que l’Église se fait fort d’imposer ce calcul des heures comme étant parfait.
Le cadran solaire, en effet, manque de précision. La faute à une heure qui n’est pas constante tout au long de l’année. Pour les Anciens, l’intervalle qui sépare le lever du soleil et son coucher est toujours composé de douze heures, quelle que soit l’époque de l’année – c’est ainsi que les cadrans des gnomons sont gradués douze fois, à distances égales. Or, au gré de la distance entre l’astre et la Terre, la durée des journées croît et se réduit. De sorte que les cadrans antiques indiquent des « heures inégales », ou « temporaires », variant en fonction du lieu et de la saison.
Il faudra attendre l’invention du style incliné pour passer à des diagrammes affichant des heures égales. L’inclinaison du traditionnel bâton découle d’une prise de conscience qui date du XVe siècle : le fait que la Terre tourne autour du Soleil. Dans un sens, l’efficacité du style incliné, aussi appelé « polaire », a contribué à démontrer la véracité des thèses soutenues par des savants tels que Copernic, Kepler et Galilée : il se trouvait qu’en penchant le style pour le rendre parallèle à l’axe de la planète, la mesure des heures devenait exact…
L’apparition des horloges, vers la fin du XIVe siècle, n’enterre pas tout de suite le cadran solaire. Au contraire, les deux instruments deviennent complémentaires : le cadran solaire, au style désormais incliné, est capable de mesurer l’heure avec une certaine exactitude ; et l’horloge, elle, peut conserver cette heure. Ce duo aura de belles heures devant lui, avant que la précision grandissante des mécanismes ne relègue le cadran solaire aux rayonnages des musées.
Fonctionnement d’un cadran solaire : le gnomon
Le fonctionnement du cadran solaire est basé sur celui d’un autre instrument : le gnomon, un outil astronomique dont la longueur et la direction de l’ombre servent à pointer les heures tracées sur une surface plane et horizontale. Le gnomon est l’ensemble du dispositif comprenant la tige plantée ou fixée, toujours verticalement, portant le nom de « style », et le support sur lequel elle est disposée – dans un socle ou directement dans le sol.
En lui-même, le gnomon a pour but d’établir la hauteur du soleil dans le ciel, toujours par le biais de son ombre projetée. Au départ simple bâton planté verticalement dans le sol, connu des Grecs et des Chaldéens, il est à l’origine de la science des cadrans solaires, qu’on appelle la gnomonique. En somme, le gnomon est l’ancêtre du cadran solaire « moderne » réinventé par les Babyloniens et les Grecs.
Fonctionnement d’un cadran solaire : la division des heures
Le principe du gnomon s’applique très simplement au cadran solaire : l’ombre du style se projette sur des divisions créées artificiellement sur la surface plane, indiquant l’écoulement des heures. L’ombre suit la course du soleil dans le ciel et passe progressivement sur chaque division, à la façon de l’aiguille sur le cadran d’une montre.
Le cadran solaire typique est divisé en douze heures, qui vont du lever au coucher du Soleil. Mais même avec l’inclinaison plus tardive du style, le cadran garde ses deux principaux inconvénients : il n’indique que l’heure locale, qui change en fonction de la longitude… et il reste soumis aux aléas climatiques !