Après avoir été inventée en Asie, l’horloge à feu, également appelée horloge à combustion, est arrivée en Europe aux alentours du VIIIe siècle de notre ère. Venant remplacer le sablier, qu’il fallait retourner à intervalles réguliers, elle permettait de mesurer le temps par l’emploi d’un combustible dont le brûlage était à la fois lent et uniforme, donc prévisible – bougie ou huile contenue dans une lampe. Partons découvrir l’histoire de cette horloge.
L’horloge à feu, un système encensé
C’est en Asie que l’horloge à feu voit le jour, et particulièrement en Chine – le Japon l’a adoptée par la suite. Des traces de son utilisation remontent jusqu’au VIe siècle avant J.-C.
Le principe en est simple : on se sert de baguettes enduites de pâte combustible, ce qu’on appelle aujourd’hui de l’encens. Parce qu’il brûle à vitesse fixe, l’encens constitue un excellent indicateur du temps qui passe. La baguette est disposée sur un support horizontal, le plus souvent un objet creux en laque. Au fur et à mesure de sa combustion, le bâton d’encens franchit des graduations qui permettent de calculer le temps écoulé.
Une autre façon de marquer les heures consiste à disposer, à intervalles réguliers le long de la baguette, des fils de soie lestés, de chaque côté, avec de petites masses suspendues (typiquement des billes de métal). Lorsque la combustion atteint un fil, celui-ci brûle et libère les masses qui tombent dans un réceptacle métallique, produisant un bruit reconnaissable. Ainsi, non seulement les Chinois ont inventé le chronomètre (calcul d’une durée relativement précise, représentée par la longueur du bâton d’encens), mais ils ont en outre imaginé le réveille-matin !
Avec le soin esthétique qui est celui de la Chine antique, les supports en laque des horloges à encens, sur lesquels sont disposés les bâtons, n’ont rien de vulgaires récipients. Le modèle archétypal en est ce qu’on appelle un bateau dragon : un socle prenant la forme d’une embarcation, dont la proue et la poupe représentent la tête et la queue d’un dragon. Autour du support, deux récipients permettent de recevoir les billes maintenues par les fils de soie.
Mesurer le temps à la bougie
L’horloge à feu arrive en Europe au VIIIe siècle, possiblement adoptée (ou réinventée ?) par un moine qui avait besoin d’un système de mesure du temps afin de compter les heures nocturnes entre chaque prière. Le bâton combustible de l’horloge à encens chinoise est remplacé par un cierge, d’une hauteur d’un mètre, gradué régulièrement pour marquer les heures. Ainsi, la combustion de la bougie indique le nombre des heures écoulées, avec une précision qui dépend de plusieurs critères : régularité du cierge, qualité de la cire, épaisseur et distance entre les traits, et bien entendu courants d’air éventuels.
De fait, les premiers usages de l’horloge à combustible sont réservés aux congrégations religieuses, afin qu’elles puissent respecter au mieux les horaires des prières durant la nuit. Trois cierges d’un mètre sont généralement nécessaires pour arriver jusqu’à l’aube. Ce dispositif s’est néanmoins rapidement propagé dans toute l’Europe médiévale.
La bougie a donc, depuis toujours, été un symbole de l’écoulement de la durée, et sa combustion la représentation de la fuite du temps – jusqu’à nos jours où l’on continue de souffler les chandelles pour célébrer les anniversaires. Avant l’invention de la lampe à huile, la bougie était utilisée au théâtre pour éclairer la scène et les comédiens – la durée de l’acte était ainsi conditionnée à celle de la combustion de la bougie. Au Moyen-âge, elle était également devenue un symbole de richesse : la bougie en cire, plus luxueuse que son équivalent en suif, était l’apanage des familles riches. Et elle ne pouvait pas être utilisée comme horloge à feu au sein des foyers les moins dotés, qui devaient la préserver le plus longtemps possible.
L’évolution de l’horloge à combustible
Entre l’Asie et l’Europe médiévale, un autre modèle d’horloge à feu se développe, inspiré à la fois de la bougie et de l’encens : l’horloge à labyrinthe. Sur un support, à l’aide d’une grille, on crée un « parcours » avec de la pâte à encens, ou avec n’importe quelle poudre combustible, le long des circonvolutions d’un labyrinthe en forme de mandala (en système clos), dont la longueur dépend du temps désiré. La fin de la combustion indique l’écoulement de la durée voulue.
Le principe de l’horloge à combustible se modernise à partir du XVe siècle avec l’invention des lampes à huile. Celles-ci sont alors dotées de réservoirs gradués qui permettent d’apprécier le passage des heures à mesure que, la mèche se consumant, le niveau d’huile baisse le long des graduations.
Au fil de ses évolutions et de ses passages d’un continent à un autre, l’horloge à feu a conservé son principe de fonctionnement de base, inaltérable. Il aura fallu l’invention des montres et des horloges mécaniques pour mettre fin à la domination de ce système ingénieux de mesure du temps.