Les transformations de l’horlogerie à la Renaissance et à l’époque classique découlent directement des changements qui marquent la fin du Moyen Âge dans la conception du temps. En s’imposant sur les monuments publics, les horloges de clochers et de beffrois tendaient à démocratiser la mesure des heures, à la rendre universelle. Il ne manquait plus que la miniaturisation et l’amélioration des mécanismes existants pour que l’horloge puisse entrer dans son acception pleinement moderne ; et c’est, en partie, le travail sur le pendule de marine qui a rendu cela possible. Découvrir l’histoire de l’horlogerie entre 1500 et 1800.
Les évolutions de l’horlogerie à la Renaissance et à l’époque classique
Le concept de miniaturisation des garde-temps, donc de possibilité de transport, naît vers la fin de la période gothique ; c’est ce qui conduira à l’acception moderne de l’idée de montre, et c’est une préoccupation qui traverse toute l’histoire de l’horlogerie à la Renaissance et à l’époque classique.
La diffusion de l’horloge – son entrée dans les foyers en tant qu’équipement courant – passe par sa nécessaire miniaturisation. Le petit format est une visée indispensable pour que les garde-temps quittent les hôtels de ville et les églises, et intègrent les intérieurs des ateliers et des maisons ; en conséquence, il faut inventer une technologie entièrement nouvelle, repenser la totalité du mécanisme. Des dimensions réduites impliquent l’utilisation d’une vis ; la vis, à son tour, permet le développement d’autres mécanismes ; le marché ouvert par la miniaturisation crée une demande qui, elle-même, pousse à réaliser de nouveaux modèles accessibles au plus grand nombre ; etc.
En tout état de cause, c’est l’invention du ressort moteur au XVe siècle, en remplacement du balancier propre aux horloges, qui permet progressivement de réduire les dimensions des garde-temps. En se tendant et en se détendant, le ressort fournit l’énergie nécessaire au fonctionnement du mécanisme, sans avoir besoin d’un objet de grande taille comme le balancier.
De l’horloge à la montre
On attribue généralement à Peter Heinlein la paternité de la montre de poche, point de départ de l’horlogerie de la Renaissance ; elle se porte en sautoir ou autour du cou, au bout d’une chaîne. En s’aplatissant, elle donnera ensuite la montre à gousset. Nous sommes alors à Augsbourg, en Allemagne, à l’aube du XVIe siècle ; avec Nuremberg, les deux villes constituent les premiers centres horlogers d’Europe. Le centre de gravité de l’horlogerie se déplace rapidement vers Genève et Londres : à la fin du XVIe siècle, la première compte déjà 25 maîtres-horlogers ; un siècle plus tard, ils sont près d’une centaine. Quant à l’Angleterre, la corporation des horlogers y voit officiellement le jour en 1631 : elle répond à l’inquiétude des artisans locaux qui voient le travail de précision sur les garde-temps trusté par des techniciens venus d’outre-Manche. Le développement de la montre de poche s’accompagne donc de l’essor de l’horlogerie comme industrie.
Enfin, la montre-bracelet, aboutissement de ce lent glissement qui mène de l’horloge à la montre (à la fois miniaturisée et transportable), apparaît vers la fin du XVIIIe siècle, lorsque Pierre Jaquet-Droz conçoit et réalise ses premiers modèles à Genève. L’histoire de l’horlogerie évoque parfois l’existence de montres-bracelets bien avant cette date (la reine Elizabeth Ier aurait reçu, à la fin du XVIe siècle, un bracelet décoré d’un petit garde-temps), mais il reste difficile de juger de l’authenticité de ces références.
Horloge et pendule de marine : le Graal des inventeurs du XVIIe siècle
L’histoire du développement de l’horlogerie est intiment liée à celle des évolutions de l’horloge de marine : c’est le besoin humain de déterminer une position précise sur les océans qui poussa les inventeurs de l’époque classique à concevoir des instruments destinés à être utilisés sur l’eau, et ceci, afin de calculer à tout moment la longitude – une affaire bien plus complexe que la détermination de la latitude, pour laquelle il suffisait de connaître la hauteur du Soleil sur l’horizon.
Inspirés par les travaux de Galilée, qui ne put jamais achever ses projets de conception d’un compte-temps marin utilisable sur le pont d’un navire, les inventeurs hollandais et anglais réfléchissent à des chronomètres de marine de plus en plus évolués. Galilée avait « découvert » l’isochronisme du pendule en 1583, lors d’une visite au baptistère de la cathédrale de Pise, alors qu’il n’avait que 19 ans ; au milieu du XVIIe siècle, Christian Huygens reprend à son compte l’usage du balancier et l’adapte pour en faire un pendule de marine.
Lorsque Huygens réalise la première montre à ressort spiral, en 1674, l’inventeur anglais Robert Hooke crie au scandale : il clame avoir été à l’origine de cette découverte en 1658. Qui qu’il en soit, il reste que la combinaison du ressort comme force motrice et du ressort de balancier comme régulateur ouvre la voie à la conception de l’horloge de marine classique. Ce système trouvé, il ne reste plus qu’à offrir une motivation : c’est le concours lancé en 1714 par le Parlement britannique, avec une récompense à la clé à celui qui parviendrait à réaliser un chronomètre de marine permettant de mesurer la longitude avec suffisamment de précision.
Le gagnant de ce concours est John Harrison. Aidé financièrement par le célèbre George Graham, il aboutit en 1761 à un modèle d’horloge de marine – le numéro 4 – qui n’accuse que 5 secondes de retard (soit seulement 1 minute et demie de longitude) sur 6 mois de traversée entre Londres et la Jamaïque. Mais ce n’est pas la seule révolution. Car l’horloge de marine de Harrison est l’équivalent d’une grosse montre, ce qui veut dire qu’elle est transportable sur terre comme sur mer (le mécanisme à ressort faisant fi de la pesanteur) et facilement lisible par les marins. Bien plus simple d’usage que ne le sont les mathématiques complexes pour ce qui est de se diriger sur l’eau, le chronomètre de marine se démocratise progressivement dans toute l’Europe, ouvrant la voie, par ses mécanismes de plus en plus précis, à l’horlogerie moderne.