Réputé pour sa quête absolue de précision, Julien Le Roy est considéré, à juste titre, comme l’un des plus grands horlogers français de l’histoire. Génie précoce, il a su faire la synthèse de deux cultures horlogères alors en opposition, la française et la britannique, notamment en rendant hommage aux grands noms anglais du secteur. Ce célèbre horloger est également connu pour avoir inventé l’horloge horizontale d’édifice.
Julien Le Roy, génie précoce
Ce jeune homme qui naît à Tours en 1686 est un phénomène. C’est qu’à l’âge de 13 ans, en effet, Julien Le Roy fabrique déjà de menus ouvrages de son invention, démonstration d’une intelligence rare, et d’une finesse qui l’est tout autant. Ces disposition singulières pour la mécanique, le jeune garçon va rapidement les destiner à un art majeur, qui fit autrefois la gloire de la nation, mais dont la splendeur est passée du côté des Anglais : l’horlogerie.
Parti à Paris pour se perfectionner dans la mécanique des garde-temps, Julien Le Roy intègre, à seulement 27 ans, la corporation très fermée des maîtres-horlogers de la capitale. Il se fait bien vite connaître pour ses talents ainsi que pour sa particularité : son obsession presque maladive pour la précision la plus absolue, qui le poussera d’abord à perfectionner des mécanismes existants avant de concevoir les siens. Il s’attaque ainsi aux montres à répétition, dont il réduit grandement le volume tout en en améliorant à la fois la solidité et la précision.
Vaincre les Anglais à leur propre jeu
À l’époque, ce sont donc les Anglais qui tiennent le haut du pavé de l’horlogerie : leurs maîtres en la matière font certes montre d’une incontestable supériorité technique. Julien Le Roy va contribuer à inverser cette tendance, mais sans intention de nuire. Alors que sa réputation grandit partout en Europe, plutôt que de se confronter à ses rivaux britanniques, le jeune homme choisit de leur rendre hommage.
En 1728, il fait venir jusqu’à Paris l’une des montres à cylindre conçues par George Graham, auquel il voue une grande admiration. (Graham, en retour, ne cache pas son engouement pour son confrère français, dont il apprécie tout particulièrement les perfectionnements sur les montres à répétition.) Il emprunte également à Newton les résultats de ses travaux sur les fluides pour les appliquer aux balanciers des montres, et ainsi parvenir à réduire considérablement les frottements, et donc l’usure des mécanismes.
Les Britanniques, néanmoins, sont vaincus, lorsque le nom de Julien Le Roy remplace ceux des horlogers anglais gravés sur les montres de Genève.
Des montres et des pendules
En 1739, nommé horloger de Louis XIV, Le Roy s’installe au Louvre. Dès lors, il s’attaque au perfectionnement des pendules. Il conçoit des pendules à secondes et à équations de différentes sortes, chaque fois avec une précision absolue. Il développe un mécanisme de compensation qui leur permet de ne pas subir les effets du chaud ni du froid.
Surtout, il révolutionne le domaine de l’horloge publique en inventant un modèle horizontal pour les édifices, à la fois moins cher, plus facile à fabriquer et bien plus précis. Cette horloge, conçue grâce à un nouvel agencement des rouages, Julien Le Roy choisit de l’enrichir de plusieurs inventions récentes, parmi lesquelles le cadran universel à boussole et à pinnules. Parmi les nombreux avantages de l’horloge horizontale par rapport à l’ancien modèle, notons le fait que moins de pièces sont nécessaires à sa fabrication, que les frottements sont diminués, et que la construction et l’entretien sont facilités. Le maître détaillera les secrets de sa conception dans un ouvrage publié en 1737, Règle artificielle du temps.
Mais Le Roy n’est pas qu’un horloger de génie, l’un des plus importants de son pays : c’est aussi un homme bon. Non seulement il veille à ce que ses confrères puissent profiter de ses connaissances et de son expérience, mais il distribue volontiers ses gains aux ouvriers de son atelier pour récompenser leur travail, à tel point qu’il ne laissera à sa mort qu’un mince héritage.
Julien Le Roy décède en 1759 à Paris. Son fils Pierre Le Roy, qui prend le relais de l’atelier, sera en son temps considéré comme l’un des pères de la chronométrie moderne.
Ses inventions
Dans la carrière de Julien Le Roy, les inventions se mêlent aux perfectionnements. En voici une sélection :
- En 1720, devant l’Académie des Sciences, il présente une pendule d’équation marquant le temps vrai, le lever du jour et la déclinaison – une invention que son audience juge merveilleusement exacte et pratique.
- Vers 1721 : il invente une potence ajustable destinée à la roue de l’échappement à verge, qu’on retrouve dans la plupart des échappements de ce type jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
- En 1738, il conçoit le pendule compensateur.
- Vers 1740, c’est l’invention de l’horloge horizontale.
- En 1744, il supprime la bâte de la boîte des montres et place le mécanisme de sonnerie sous le cadran.
- En 1755, il développe une nouvelle cadrature de sonnerie employant l’échappement à ancre comme modérateur.
Entre autres, Julien Le Roy est parfois crédité pour avoir inventé : les timbres lames (qui permettent de concevoir des mécanismes plus plats), les répétitions dites à toc (dans lesquelles le marteau frappe sur un bloc fixé à la boîte) ou l’échappement à ancre miniaturisé pour réguler la vitesse de la sonnerie des pendules. Cette liste n’est sans doute pas exhaustive, mais les documents manquent pour attester de toutes les mémorables réalisations de ce grand homme.